... - judith grimaldi: bonjour et bienvenue. aux usa, donald trump a relancé la guerre commerciale. après avoir annoncé une augmentation de 25 % des droits de douane contre le canada et le mexique, il vient de reporter d'un mois leur mise en oeuvre. l'ennemi numéro 1 reste la chine. pékin a annoncé qu'elle riposterait coup par coup aux décisions américaines. des annonces sont prévues demain. invité dans ce journal, grégoire verdeaux, spécialiste du commerce international. l'inquiétude en syrie après les affrontements entre les nouvelles forces de sécurité et les combattants fidèles à bachar al-assad. plus de 700 civils alaouites ont été tués en 3 jours. le président de transition, ahmed al-charaa, appelle à préserver l'unité nationale et la paix civile. des négociations pour une trêve dans la bande de gaza.

le hamas appelle à entamer les discussions sur la 2de phase de l'accord signé. israël souhaite une extension de la 1re phase jusqu'à mi-avril. une délégation israélienne est attendue au qatar demain. au canada, le parti libéral au pouvoir s'apprête à élire son nouveau chef qui deviendra premier ministre en pleine crise avec le voisin américain. justin trudeau avait annoncé sa démission en janvier. l'ancien banquier d'affaires mark carney est donné largement favori pour devenir le prochain premier ministre. il doit arriver au pouvoir alors que donald trump souhaite que le canada devienne le 51e etat américain. pour donald trump, les droits de douane servent à faire pression sur ses partenaires commerciaux et à ne se plus se faire escroquer par chaque pays de la planète.

après avoir suspendu pour un mois les droits de douane de 25 % sur le canada et le mexique, les produits chinois sont soumis depuis quelques jours à une surtaxe de 20 % à leur entrée sur le territoire américain. la chine doit riposter en imposant dès demain des taxes allant jusqu'à 15 % sur les produits américains, en majorité agricole. - il promettait une guerre économique et commercial sans pitié avec l'instauration de nouvelles taxes douanières. - donald trump: pour certains pays, ces droits de douane seront très conséquents. - 48 heures plus tard, donald trump fait marche arrière et suspend l'essentiel des 25 % des droits de douane supplémentaires contre le canada et le mexique. pour le secteur automobile, l'exemption sera d'un mois. - donald trump: ca aurait eu un impact négatif

sur les entreprises américaines. - donald trump a dû faire face à une levée de boucliers de la part des 3 plus grands constructeurs américains: ford, stellantis et general motors car les pièces automobiles franchissent plusieurs fois les frontières mexicaines et canadiennes avant d'arriver aux etats-unis. des droits de douane de 25 % à chaque traversée auraient augmenté le coût de production et avantagé les constructeurs étrangers. si la présidente du mexique a remercié donald trump pour l'exemption temporaire, le premier ministre canadien reste combatif. - justin trudeau: nous continuerons dans le futur à être dans une guerre commerciale initiée par les etats-unis. nous devons acheter canadien et nous défendre. - donald trump doit aussi faire face à l'hostilité et à la pression des marchés financiers. un environnement économique devenu trop instable, selon les experts. - quand vous dirigez un gouvernement, ce n'est pas comme une entreprise privée. vous devez faire les choses dans un ordre précis pour ne pas effrayer les marchés financiers. là, toutes ces actions soudaines dans tous les pans de l'économie

affolent les marchés. ils sont très nerveux. - donald trump espère aussi qu'en maintenant une pression économique constante, il pourra négocier des accords en faveur des etats-unis. mercredi prochain, l'acier et l'aluminium seront concernés par des nouveaux droits de douane. - judith grimaldi: on retrouve grégoire verdeaux, directeur du commerce international à l'institut sapiens. bonjour. donald trump a lancé sa guerre commerciale avec l'augmentation des droits de douane. l'augmentation des droits de douane, ça ne fait pas en soi une politique économique. quel est son objectif? - grégoire verdeaux: c'est toujours un peu théâtral avec donald trump. c'est un grand showman. après presque un mois et demi à 2 mois de présidence, on commence à y voir plus clair. j'appelle ça le "productionnisme". on parle beaucoup de protectionnisme, mais les etats-unis se sont largement ouverts à la mondialisation depuis une vingtaine d'années.

donald trump essaie de ramener la production des biens et des services, mais surtout, on parle d'industries manufacturières sur le territoire américain. l'équation est de ramener la production aux etats-unis, d'attirer les parts mondiales vers le financement de l'économie américaine et tout ça sans baisser les impôts, en promettant un environnement fiscal favorable et des mesures de dérégularisation très fortes. c'est un pari extrêmement risqué. - judith grimaldi: comment interprétez-vous les changements d'annonce d'un jour à l'autre de donald trump, notamment sur les droits de douane? - grégoire verdeaux: c'est un pari risqué pour 3 raisons. il y a la réaction des entreprises américaines elles-mêmes.

elles vont faire face à des mesures de rétorsion commerciale à l'exportation. comme vous le montriez, pour beaucoup d'opérations industrielles, les produits, notamment vers l'amérique centrale, franchissent plusieurs fois la frontière. la réaction des marchés boursiers à court terme a été assez mitigée. je vois plus loin. il y a déjà des effets inflationnistes. lorsque vous renchérissez le coût des importations, et les etats-unis importent énormément, ça se ressent sur le prix de tous les biens et les services. il y a même un exemple caricatural, mais qui touche tous les américains tous les matins: le prix des oeufs a énormément augmenté, en plus dans un contexte de grippe aviaire. il y aura une vraie question sur le rôle du dollar.

si le pari de trump ne prend pas... fragiliser son implication dans l'économie mondiale de cette manière alors que le dollar est la monnaie de l'économie mondiale et que les américains sont très endettés, c'est très risqué. - judith grimaldi: il y a aussi le risque d'aggravation de la pauvreté. - grégoire verdeaux: bien sûr. vous avez parlé de la chine à juste titre. il faut éviter les généralisations parce que la chine est devenue un géant technologique sur des produits à très forte valeur ajoutée, mais c'est un peu l'atelier du monde. beaucoup de produits de grande consommation à bas coût viennent de chine et arrivent partout, y compris aux etats-unis. le fait d'augmenter l'ensemble des droits de douane sur les produits chinois va renforcer la pauvreté et la baisse du pouvoir d'achat des classes modestes aux etats-unis. - judith grimaldi: pour revenir à cette décision, ça crée un climat d'incertitude que redoutent les entrepreneurs.

n'est-ce pas contradictoire avec sa volonté affichée d'attirer les entreprises, de réindustrialiser les etats-unis? - grégoire verdeaux: quelqu'un de votre reportage disait que c'était une affaire d'ordre des choses. on voit un peu la limite de l'idée que les grands chefs d'entreprise peuvent gouverner un pays comme ils le font pour une société. ne serait-ce que parce que le temps n'est pas le même. personnellement, je vois une certaine cohérence dans la doctrine économique du président trump. ce productionnisme, ce désir de ramener la production sur le territoire des etats-unis... c'est vraiment le calendrier dans lequel c'est fait, le caractère de brutalité. il n'y a pas vraiment de stratégie de politique industrielle telle que les chinois l'ont mise en oeuvre avec beaucoup de succès sur 10 ou 15 ans. - judith grimaldi: quels sont les intérêts économiques

et les secteurs de la finance américaine que défend donald trump? - grégoire verdeaux: ce n'est pas du protectionnisme. quand vous voulez attirer les capitaux du monde entier chez vous, vous ouvrez votre marché à des concurrents étrangers. ils sont étrangers, mais viennent produire chez vous. on a vu il y a 3 jours le patron d'une grande compagnie de fret maritime européenne qui s'est rendue dans le bureau ovale pour annoncer 20 milliards de dollars d'investissements aux etats-unis. les investissements étrangers aux etats-unis vont représenter une concurrence pour les entrepreneurs américains. la difficulté, c'est vraiment le rythme auquel tout cela est fait. on ne reconstitue pas une filière industrielle en claquant des doigts, simplement par des mesures de rétorsion.

c'est une des grandes fragilités de la proposition du président trump: le rythme. - judith grimaldi: les pays concernés sont le canada, le mexique, la chine. l'europe est la prochaine sur la liste. ils vont riposter. quelles peuvent être les conséquences sur l'économie mondiale? - grégoire verdeaux: le risque, c'est que les etats-unis représentent 27 % du pib mondial. ils ne sont pas du tout seuls à bord. quand vous combinez les etats-unis, l'europe et la chine, vous aboutissez à 45 % du commerce mondial. vous rajoutez le japon, la corée du sud et le royaume-uni, vous avez 55 %. les etats-unis ne sont pas la seule proposition de valeur industrielle et financière sur le marché mondial. le risque, c'est clairement qu'un certain nombre de pays décident de s'organiser différemment, à commencer par les européens,

pour lesquels le marché américain était important, mais pas du tout le seul. en france, c'est particulièrement impopulaire de parler de l'intérêt de l'accord avec le mercosur. mais avoir des deals régionaux et bilatéraux intéressants pour l'ue est une solution de repli très importante. je voudrais parler de l'allemagne. l'allemagne dépend de l'importation et de la russie dans le cadre de l'énergie. elle dépend des etats-unis pour les importations pharmaceutiques et automobiles. je me demande si la réaction européenne sera aussi forte qu'elle pourrait l'être parce que les allemands sont pris à la gorge. - judith grimaldi: friedrich merz a annoncé un changement de cap.

pour la france, quels peuvent être les secteurs les plus touchés? - grégoire verdeaux: la france n'exporte pas beaucoup aux etats-unis. notre politique commerciale est devenue beaucoup moins compétitive qu'elle ne l'était dans le temps. le secteur du luxe va peut-être souffrir, mais le président du groupe lvmh, bernard arnault, semble avoir les meilleurs rapports avec le président trump. là aussi, je crois qu'il a déjà annoncé qu'une partie de la production irait se faire aux etats-unis. pour la france, ce n'est pas un enjeu absolument majuscule, peut-être en dehors des filières agricoles, des spiritueux ou des produits de luxe. mais pour la france, le changement de dogme, si on le met aussi dans d'autres contextes comme les annonces qui ont été faites sur le domaine de l'europe de la défense, c'est plutôt une opportunité. si on prend le secteur de l'armement et les investissements stratégiques, la france est un très grand

exportateur, je dirais presque partout, sauf en europe, du fait de la confiance qui a été placée par les partenaires européens de la france envers les etats-unis et moins vers l'appareil de défense français. là, les choses sont en train de changer. - judith grimaldi: quelle cohérence voyez-vous entre d'un côté une politique économique dérégulatrice et protectionniste de l'autre et une administration autoritaire et brutale? - grégoire verdeaux: il y a une grande défiance vis-à-vis des institutions. ce qu'on voit, ce sont des décisions prises de manière extrêmement rapide, exécutive, et qui ne peuvent plus s'inscrire dans le cadre d'institutions et de procédures prévisibles pour les partenaires commerciaux des etats-unis. le plus grand symbole de ça, c'est que tout ça se passe comme si l'organisation mondiale du commerce avait cessé d'exister.

c'est 45 % du commerce mondial n'ont pas d'accords commerciaux entre eux. par défaut, la seule fondation sur laquelle repose ce commerce entre les 3 grands, c'est l'oms. - -l'omc. elle est totalement paralysée aujourd'hui. parce que les etats-unis sous trump et joe biden ont décidé de la paralyser. - judith grimaldi: il a envoyé l'armée pour chasser les migrants et maintient la menace. c'est une forme de management par la terreur. est-ce que tout cela ne tourne pas le dos à une politique économique qui prend en compte la lutte contre le réchauffement climatique? - grégoire verdeaux: absolument.

les etats-unis sont dans une forme de rivalité et de perte de vitesse technologique vis-à-vis de la chine. si on prend le secteur du véhicule électrique qui est devenu l'espèce de symbole des temps que nous traversons, nous voyons que la domination technologique est chinoise et totalement verticale depuis le début jusqu'à la fin. les etats-unis ont décidé qu'ils avaient une indépendance énergétique, qui est un facteur de puissance, et qu'ils allaient se fonder là-dessus. ils ont tourné le dos aux accords de paris, de la même manière qu'ils ont tourné le dos à l'omc, à l'oms et à l'otan. ca, c'est peut-être la très grande vulnérabilité des européens.

ils ont énormément investi dans ce dispositif de discussion et de négociation multilatéral. aujourd'hui, il est complètement hors circuit. - judith grimaldi: on verra si les etats-unis à la fin du mandat de donald trump sont "great again". merci pour votre analyse. fin de sous-titrage sous-titrage en direct eva france st'501